Travaux sur des parties communes

Le juge des référés peut ordonner la cessation des travaux portant sur les parties communes sans autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires et la remise en état des lieux dès lors qu’il s’agit de la seule mesure nécessaire et proportionnée à la cessation du trouble.

par Camille Dreveaule 8 mars 2018

Le juge des référés peut statuer sur le sort des travaux affectant les parties communes entrepris par un copropriétaire sans autorisation de l’assemblée générale. Ces travaux irréguliers constituent un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du code de procédure civile (Civ. 3e, 6 mars 1991, n° 89-20.763, RDI 1991. 250, obs. P. Capoulade et C. Giverdon  ; 17 janv. 1996, D. 1996. 48  ; 7 sept. 2017, n° 16-17.825, AJDI 2017. 682  ; V. égal., s’agissant de la violation du règlement de copropriété, Civ. 2e, 15 nov. 2007, JCP N 2007. 780 ; Paris, 19 janv. 2001, n° 2000/17760, AJDI 2001. 258 ). Le juge dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier la réalité de l’infraction (Paris, 3 oct. 2001, n° 2001/07500, AJDI 2001. 995  ; 1er sept. 2005, Loyers et copr. 2006, n° 22) et prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour y mettre fin. 

La Cour de cassation rappelle ces principes dans un arrêt confirmant la condamnation à remettre les lieux en l’état prononcée contre l’exploitant d’un local commercial, qui avait entrepris des travaux de pose d’un nouveau conduit sur les parties communes sans avoir recueilli au préalable l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.

Cet arrêt est intéressant tant pour sa dimension pratique, que pour les arguments développés dans les moyens.

L’exploitant soulevait que l’absence d’autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires ne constituait pas un trouble manifestement illicite, dès lors que les travaux consistaient à remplacer un conduit préexistant vétuste et dangereux. Or, il suffit que le juge constate la violation incontestable et évidente d’un droit pour que le caractère manifestement illicite soit constitué. La jurisprudence est sans égard pour les circonstances. Le copropriétaire ne peut pas invoquer le caractère urgent (Civ. 3e, 8 nov. 2006, n° 05-19.141, D. 2007. 2184, obs. P. Capoulade et C. Atias  ; AJDI 2007. 44 ) ou nécessaire des travaux (Versailles, 24 avr. 2013, Loyers et copr. 2013, n° 250 : abattage d’un arbre nécessaire pour reconstituer un chemin piétonnier et faire cesser un empiétement ; Civ. 3e, 2 mars 2005, n° 03-20.889, D. 2005. 795  : percement d’une trémie pour remettre l’immeuble en conformité avec l’état descriptif de division), ou encore des motifs de sécurité (Paris, 17 oct. 2001, AJDI 2002. 41). Peu importait donc également qu’une régularisation soit a posteriori possible. Au jour où la sanction est demandée, l’infraction existe. Le juge ne peut pas se substituer ou anticiper une éventuelle décision de l’assemblée générale, qui seule peut ratifier les travaux illicites (V. cep., Civ. 3e, 19 déc. 2007, n° 07-13.788, AJDI 2008. 300 , dans une espèce où l’attitude de l’assemblée générale face aux travaux litigieux était équivoque).

Le pourvoi s’appuyait ensuite sur l’aspect conservatoire de la sanction. Il soulevait le caractère disproportionné et définitif de la mesure prononcée, laquelle étant susceptible de mettre en péril l’exploitation de son fonds de commerce. La remise en état, en dépit de son caractère « anticipatoire » et définitif, n’est pas incompatible avec le caractère provisoire attaché à l’ordonnance rendue par le juge des référés (V., S. Guinchard, C. Chainais et F. Ferrand, Procédure civile, 32e éd., Dalloz, coll. « Précis »,  spéc. n° 2155). Le contrôle de proportionnalité reçoit des applications limitées en droit des biens et en droit de la copropriété (Civ. 3e, 5 oct. 2017, Dalloz actualité, 31 oct. 2017, obs. A. Gailliard  ; AJDI 2018. 44, obs. D. Tomasin. Sur le sujet, v. aussi E. Gavin-Millan-Oosterlynck, Exclusivité versus proportionnalité, à l’épreuve de empiétement, RDI 2018. 17 ). Les intérêts particuliers du copropriétaire ou de l’exploitant cèdent devant les intérêts de la collectivité. Ce n’est que lorsque la remise en état est susceptible de porter atteinte à l’immeuble (Civ. 3e, 8 juin 2017, n° 16-16.677, AJDI 2017. 595 ) ou qu’elle est impossible que le juge peut refuser de l’ordonner.

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