Droit européen

17/07/2019

Première décision de la Cour de cassation sur le règlement n° 1896/2006 instituant une injonction de payer européenne

L'efficacité des procédures de recouvrement de créances transfrontalières mises en place par l'Union européenne n'est plus à démontrer. Ces procédures visent à concentrer l'ensemble du contentieux devant la juridiction d'origine et les tribunaux de l'État d'exécution ne sont pas compétents pour connaître des contestations relatives à la régularité de la procédure étrangère.

En l'espèce, un créancier néerlandais demanda une injonction de payer européenne au tribunal de La Haye, aux Pays-Bas. Elle fut accordée et signifiée à deux reprises à un débiteur français qui ne fit pas opposition. En conséquence, l'injonction fut déclarée exécutoire en février 2016. En avril de la même année, le créancier fit procéder à une saisie-attribution en France et délivra un commandement à fins de saisie-vente au débiteur. Ce dernier demanda la mainlevée des saisies au juge français de l'exécution en soulevant l'irrégularité des actes de signification de l'ordonnance d'injonction de payer européenne. Le juge de l'exécution se déclara incompétent pour connaître des contestations émises par le débiteur quant à la régularité du titre exécutoire et cette décision fut confirmée par la cour d'appel de Rennes (CA Rennes, 2e ch., 8 déc. 2017, n° 16/07782). Le pourvoi formé à l'encontre de cette décision est rejeté par la Cour de cassation dans cet arrêt du 27 juin 2019 .

La solution de la Cour de cassation reprend le raisonnement adopté par les juges du fond et ne surprend guère car elle tire les conséquences logiques de l'abolition de l'exequatur prévue par le règlement européen n° 1896/2006 du 12 décembre 2006instituant une procédure européenne d'injonction de payer (art. 19). La même solution avait été adoptée pour des décisions étrangères certifiées en tant que titre exécutoire européen selon le règlement n° 805/2004 (Cass. 2e civ., 22 févr. 2012, n° 10-28.379 :JurisData n° 2012-002559 ; D. 2012, p. 1454, note L. Maurin. – Cass. 2e civ., 26 sept. 2013, n° 12-22.657, inédit) mais il s'agit ici de la première décision de la Cour de cassation sur l'injonction de payer européenne. Si le règlement n° 1896/2006 précise que les procédures d'exécution sont régies par le droit de l'État membre d'exécution (art. 21), cette disposition ne concerne que le contentieux relatif à l'exécution elle-même. Toutes les autres contestations relèvent de la compétence exclusive du juge d'origine qui connaît notamment des moyens relatifs à la régularité des actes, ceux-ci devant être notifiés conformément au droit national de l'État dans lequel la signification ou la notification doit être effectuée (art. 13 et art. 14).

En l'espèce, l'opposition devait être formée devant le tribunal de La Haye qui avait rendu l'injonction de payer (PE et Cons UE, règl. (CE) n° 1896/2006, 12 déc. 2006 amendé par PE et Cons. UE, règl. (UE) n° 2015/2421, 16 déc. 2015, art. 17). Un recours en réexamen dans des cas exceptionnels (art. 20) reste possible après l'expiration de ce délai mais il est soumis à des conditions particulièrement strictes. La Cour de justice a ainsi jugé que l'incompétence du tribunal ayant rendu l'injonction de payer ne constituait pas une circonstance exceptionnelle (CJUE, 22 oct. 2015, aff. C-245/14, Thomas Cook Belgium NV c/ Thurner Hotel GmbH : JurisData n° 2015-023714 ;Procédures 2016, comm. 17 , obs. C. Nourissat ; Europe 2015, comm. 537, obs. Idot), pas plus qu'une erreur du représentant du défendeur dans le calcul du délai d'opposition (CJUE, 21 mars 2013, aff. C-324/12, Novontech-Zala kft : Procédures 2013, comm. 184, obs. C. Nourissat).

Auteur : Vincent RICHARD

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