DANNENBERGER Frédéric
Une SCI qui demande un cautionnement en garantie du paiement du loyer d'un bail commercial est un créancier professionnel.
L'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence rapporté, concerne une nouvelle fois la question des mentions manuscrites requises pour la validité d'un cautionnement souscrit par une personne physique. En l'occurrence, la problématique touchait au champ d'application de ces exigences et plus particulièrement à la définition de créancier professionnel, laquelle commande l'application du dispositif de protection des cautions personnes physiques prévu par le Code de la consommation. L'exigence s'impose non seulement lorsque le créancier est un organisme de crédit mais plus généralement à tout créancier professionnel. C'est cette notion que la cour d'appel avait à définir afin de déterminer si l'engagement était valable.
Dans cette espèce, une SCI avait consenti un bail commercial portant sur l'unique immeuble composant son patrimoine social à une société, par la suite placée en liquidation judiciaire. La bailleresse sollicitait le cautionnement solidaire de plusieurs personnes physiques en garantie du paiement du loyer. Appelé en paiement, les cautions soulèvent l'argument de la nullité des engagements de caution, faute pour ces engagements de contenir les mentions manuscrites requises, ad validatem, par lesarticles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation.
La cour d'appel rappelle que le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de son activité professionnelle, ou qui trouve un lien direct avec l'une de ses activités professionnelles, fût-elle simplement secondaire. Pour la cour, tel est bien le cas de la SCI bailleresse. En effet, selon ses statuts et les mentions de son immatriculation au RCS, la SCI a pour objet la propriété, l'administration et l'exploitation par bail de son patrimoine immobilier.
Partant, la cour d'appel juge que la conclusion du bail, acte « fondateur » de la créance garantie, se rattache directement à son objet et a bien un rapport direct avec son activité professionnelle. En vain, la SCI soulève une série d'arguments en vue d'échapper à la qualification de créancier professionnel afin d'échapper à la nullité des engagements pris à son bénéfice. Ainsi, est indifférent le fait que la SCI n'exerce qu'une activité civile du fait de la location de locaux nus. Il en va de même du fait qu'elle ne soit pas assujettie à l'impôt sur les sociétés ou qu'elle ne réalise pas d'actes de commerce. De même en est-il de la circonstance selon laquelle l'immeuble donné à bail est son unique actif et qu'elle présente un caractère familial. Ces éléments ne sont pas de nature à priver la créance de son caractère professionnel.
La solution peut être approuvée. La Cour de cassation a déjà pu préciser que le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles. Implicitement, on peut découvrir l'orientation de la Haute Cour pour une solution conforme dans un arrêt de 2011. Bien que rendu en matière de référé, la Cour de cassation a pu considérer que la détermination du caractère professionnel de la créance d'une SCI bailleresse constituait une contestation sérieuse échappant à la compétence du juge des référés.
Un arrêt de la Cour d'appel de Paris de 2014, va d'ailleurs dans le même sens. La qualification de créancier professionnel a ainsi été retenue pour une société dont l'objet social est l'acquisition, l'exploitation par bail, la location de tous immeubles. La Cour d'appel de Paris avait également jugé indifférent le fait que la société n'ait pas la qualité de marchand de biens, qu'elle ne soit propriétaire que d'un seul lot, qu'elle ne soit pas assujettie à l'impôt sur les sociétés, qu'elle n'octroie aucun crédit et qu'elle ne soit composée que de membres d'une seule famille.
Frédéric Dannenberger, Docteur en droit des affaires, consultant.
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